En counseling, le conseiller est souvent amené à accompagner une personne dans sa prise de décision. Il ne s’agit pas de prendre des décisions pour son client, il s’agit de l’aider à prendre la meilleure décision pour lui-même au regard de sa situation présente.Voir situation 1 2 3 4
Souvent, les personnes prennent des décisions qui sont trop ambitieuses, par exemple une personne va vous dire : à partir de demain, je change ma vie, je perds 10 kilos, je fais du sport, je change de boulot et j’apprends l’anglais. À priori, la personne pense qu’elle a pris une décision et qu’il n’y a plus qu’à s’y mettre… Elle pense tous ses problèmes résolus dès lors qu’elle nous fait part de sa décision. Or le conseiller a un rôle important à jouer dans ce cas précis et ce d’autant plus que s’il n’intervient pas, la personne va se retrouver en échec en sortant de ce type d’entretien. Si elle échoue, elle va perdre ses capacités au changement, va s’en vouloir à elle-même et sa baisse d’estime de soi va avoir des répercussions négatives sur son sentiment d’efficacité personnelle.
La première chose consiste donc à aider la personne à distinguer la prise d’une décision et la verbalisation d’une promesse qu’on se fait à soi-même ou à quelqu’un d’autre à qui on veut par exemple prouver quelque chose.
Par ailleurs, il est important de distinguer les décisions positives des décisions négatives
Prendre une décision, c’est affronter quelque chose de nouveau et d’inconnu mais c’est aussi parfois devoir reconnaître une erreur de jugement dans le passé ou encore devoir accepter de renoncer à quelque chose qu’on faisait ou dont on bénéficiait jusqu’à maintenant.
Par exemple, une personne âgée doit prendre une décision de modification de son cadre de vie car elle ne peut plus monter les escaliers, un malade doit changer de travail car ses traitements ont affaibli sa force de travail, un homme doit déménager car il divorce, un adolescent doit aller étudier loin de ses parents, une personne en cours de licenciement doit modifier son train de vie. On voit dans ces exemples que les prises de décisions ont pour origine un changement plus ou moins subi et que nous en sommes en face de ré-ajustements.
De manière opposée, certaines personnes doivent prendre des décisions qui comportent une promesse d’achèvement personnel qui leur fait peur (décision de se marier, de se pacser, d’avoir un enfant, de reprendre des études, de déménager, d’entamer une relation, de co-habiter, de se faire de nouveaux amis, de gagner un peu plus d’argent…).
On retrouve souvent trois peurs au cœur des difficultés à prendre une décision : la peur de perdre le contrôle, la peur de perdre l’estime des autres, la peur de perdre l’amour.
Par exemple, une personne vous dit : «Je vais changer de médecin parce que mon copain n’arrête pas de me dire que mon médecin est nul, qu’il n’aurait pas dû me donner ce nouveau traitement…»
Comment intervenir ?
Après une première re-formulation, il est important de poser la question : «Sentez-vous cette décision comme étant la vôtre ou celle de votre ami ?» ou «Lorsque votre ami vous dit que votre médecin est nul, est-ce qu’il vous suggère aussi d’en changer ? Qu’en pensez-vous ?»
Une personne venue vous demander de l’aider à prendre une décision vous dit : «À mon âge , je dois me prouver que je ne suis plus un bon à rien, j’ai décidé de faire ceci ou cela, qu’est-ce que vous en pensez ?…»
Comment intervenir ?
Vous pouvez lui répondre : j’ai l’impression que vous pensez qu’en faisant telle ou telle choses vous voulez vous prouver à vous même que vous avez encore de la valeur à vos yeux. Je me demandais s’il ne serait pas préférable qu’on parle ensemble de ce qui se passe en ce moment pour vous qui pourrait expliquer cette perte de sentiments positifs à l’égard de vous-même…
Madame C a 65 ans. Elle vient d’apprendre qu’elle a un diabète de type 2. Elle est passée par plusieurs phases de déni, de rejet, d’isolement et maintenant elle veut faire enfin ce qu’elle désire depuis toujours : aller à la mairie de son village suivre des cours pour adultes et renouer avec des membres de sa famille qu’elle n’avait jamais osé fréquenter parce que ses frères et sœurs l’en avaient dissuadée.
Comment intervenir ?
Conseiller : Qu’est-ce qui vous a empêché d’aller suivre des cours pour adultes jusque là ?
Mme C. : Je me disais qu’on allait me trouver ridicule, personne ne fait cela dans la famille
Conseiller : Et ces personnes de votre famille, qu’est-ce qui fait que vous ne les avez pas contacté avant ?
Mme C. : En fait, mes frères et soeurs m’ont toujours dit de ne pas le faire…
Le conseiller plutôt que d’entrer dans les raisonnements des frères et sœurs, reste centré sur madame C. et son projet et résume :
Conseiller : Si je comprends bien, vous voulez maintenant dans votre vie faire deux choses que vous avez toujours voulu faire. Qu’est-ce qui vous motive le plus à faire ces deux choses par rapport à avant ?
Mme C. : Depuis que je sais que j’ai ce diabète, je veux m’occuper de moi et je n’ai plus envie de m’en tenir à ce que les autres pensent.
Conseiller : Vous voulez dire qu’il y a un avant votre vie avant la découverte de votre diabète et un après qui est «maintenant que j’ai ce diabète, j’ai envie de m’occuper de moi» ?
Mme C. : Euh… Oui, c’est cela. Je ne me suis jamais occupée de moi… après tout ce ne sont pas les autres qui vont m’aider pour mon diabète… Je dois de plus éviter le stress.
Le conseiller en aidant madame C. à faire un point entre un avant et un après, l’aide à inscrire son diabète comme un déclencheur de mouvements positifs dans sa vie ! Le travail sur l’avant et l’après permet à Mme C. d’intégrer son diabète dans sa vie non pas seulement comme une source de difficultés mais aussi comme un évènement la libérant de l’empreinte familiale.
Sophie, fille unique, ne veut plus se rendre tous les week-end chez sa mère. Mais, ce qui lui fait le plus peur dans sa prise de décision, ce n’est pas de le faire (rien de plus facile que de rester chez soi !!), c’est d’informer sa mère de sa décision. Nous travaillons donc avec Sophie sur (1) ce qu’elle ressent, (2) comment elle pourrait faire face à la situation.
Diagnostic de situation : Sophie essaie de s’affirmer dans un contexte de relations parent-enfant qui de fait se prête très peu aux relations égalitaires. Sophie ne se trouve donc pas dans la situation optimale pour pouvoir exercer ses compétences à la prise de décision. Elle devra apprendre à dire non en s’affirmant.
Comment Sophie va-t-elle faire ? Tout d’abord, par le biais d’un scénario dans lequel le conseiller va jouer le rôle d’une mère abusive, Sophie va devoir préparer les réponses aux questions pièges de sa mère dès qu’elle va lui annoncer qu’elle ne viendra pas le week-end prochain.
Le dialogue anticipé
Sophie : Maman, je t’appelle pour te dire que je serai heureuse de te voir mais je ne viendrai pas samedi car j’ai décidé de faire des changements dans ma vie.
La mère : Qu’est-ce qui se passe ma fille ? J’ai fait ou dit quelque chose que je n’aurais pas dû.
Sophie : Maman, j’ai décidé de faire des changements dans ma vie qui sont importants pour mon avenir (technique du disque rayé, Sophie répète !!!)
La mère : Oh mon Dieu, cela ne va pas et tu n’oses pas me le dire !
Sophie : Tout va bien mais comme je te l’ai dit, ces changements dans ma vie sont importants pour moi (technique du disque rayé)
La mère : Ah ! c’est dommage parce que cette semaine je n’allais pas très bien, j’attendais ce weekend avec impatience !
Sophie : Je sens que tu as été triste cette semaine et je suis désolée… mais de mon côté, comme je te l’ai dit, j’ai pris des décisions qui sont importantes pour moi (prise en compte de ce que sa mère ressent et technique du disque rayé).
La mère : Tu ne pourras pas passer juste pour le café? Tu sais, je t’ai toujours dit que tu pouvais amener qui tu voulais.
Sophie : Je te remercie maman pour ton invitation, mais je veux entamer des changements. (Sophie ne dit pas non, elle remercie pour l’invitation et enchaîne sur son projet à elle)
La mère : Mais ces changements dont tu me rebats les oreilles, c’est quoi ?
Sophie : Ce sont des choses qui me sont très personnelles, j’ai besoin qu’il en soit ainsi. (Sophie réagit en ouverture à l’agressivité et ré-affirme son besoin en restant centrée sur elle)
La mère : Oh ma fille tu me caches quelque chose !
Sophie : Je vois bien que tu as le sentiment que je te cache quelque chose, je peux le comprendre mais mon sentiment sur la question est différent. (Sophie reformule, valide le sentiment exprimé par sa mère, ne répond pas sur le fond et s’affirme dans sa différence)
La mère : Ecoute, je ne comprends rien à ce que tu me racontes, sois plus claire.
Sophie : Je te remercie maman d’essayer de comprendre ce qui se passe mais moi-même je me sens dans une période où il est plus important pour moi d’agir que de comprendre. Je te remercie maman et je te rappellerai… Sophie raccroche !! (Sophie coupe au moment où l’agressivité monte, elle s’affirme cette fois-ci indépendamment des autres, elle ne coupe pas la relation, s’ engage à rappeler, etc.)
Sophie a réussi a aborder chaque obstacle en adoptant une stratégie appropriée !
Dernière mise à jour : novembre 2024
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